vendredi 30 septembre 2016

Inde!! Arunachal Pradesh!! Une longue traversée..


Virages, des virages, la route ne fait que tourner.
Verdoyante de tout côté, la chaleur de la mousson est revenue.
Pour atteindre l'Ouest de l'Arunachal Pradesh, nous sommes obligés de redescendre bien au sud à la limite de l'état de l'Assam. Le Nord est
encore très sauvage, uniquement des sentiers relient les différents villages. L'armée a bien entrepris la construction d'une route mais la tâche s'annonce très longue.

La route passe donc de vallée en vallée. Des ponts datant de l'époque coloniale anglaise permettent de franchir d'innombrables rivières. Du pont, en fait il n'en reste que la structure, le reste est réparé à l'aide de planches en bois et morceaux de tôle. Il faut savoir où mettre sa roue..

Et justement, c'est un pont qui nous fait douter sur notre itinéraire.
Les locaux croisés n'arrêtent pas de nous dire que le pont qui permet de franchir une vallée très encaissée est fermé. Sauf qu'il n'y a aucun détour possible.
Le pont, long et haut, est bien en cours de restauration.
Il reste encore les planches sauf au milieu.
Deux bastings servent à enjamber le "petit" gap.
Mauro passe et moi..je bloque. Vertige, trop tard. Un homme de chantier se dirige vers moi, prend mon vélo et le passe de l'autre côté. Pas de rire, pas de moqueries, C'est normal.
Le village est un nuage de tôle et de béton. À la sortie de celui-ci nous tombons sur une école catholique.
Le frère, nous accueille sans rechigner.
Surpris par la grande taille de l'école, il nous explique que les enfants viennent d'une multitude de villages perdus dans la jungle.



Certains enfants mettent plusieurs jours pour atteindre l’école, passant de villages en villages, traversant les rivières par des ponts de singe.
Le frère qui nous accueille, parcourt cette jungle au mois de décembre au moment des vacances.
Il part prêcher la parole de Dieu jusqu'aux villages bordant la frontière tibétaine. Une boucle d'un mois à pied, passant de villages en villages, des journées de marche du matin au soir.
Quand il nous explique certains passages de rivière, cela donne des sueurs froides. Il nous évoque aussi la beauté incroyable de la forêt et d'arbres millénaires qui la peuplent.

Le riz n'est plus cultivé ici. On pratique la culture sur brulis. Sur des pentes incroyables, femmes et hommes retournent la terre pour planter essentiellement du Maïs.

Encore un pont et celui-ci laissera une belle trace.

Mauro, regardant au loin le pont pour savoir où passer, n'a pas vu un "dos d'âne". Surpris, il n'a pas pu contrôler son vélo et la chute fut inévitable. Genoux en sang, mollets et coudes brûlées par le goudron.
Il veut à tout prix examiner son vélo pour voir aussi si il n'y a rien de cassé. Je le raisonne un peu en disant que son vélo peut attendre.
Le plus proche hôpital est à des heures de route, on a bien de la chance que ce soit de simples égratignures.
Une moto s'arrête, un couple, ils sont inquiets pour nous. Puis 4-5 personnes s'arrêtent aussi. Voulant savoir.
Je désinfecte les plaies de Mauro, en même temps on fait la conversation avec les indiens. Ils nous disent qu'il faut faire attention au dos d'ânes. On sait..
Le dos d'âne indien est en fait une ligne de parpaings recouvert de ciment. Pas de panneau signalétique, pas de ligne de couleur au sol. Tu l'oublies une fois, pas deux.
Mauro retrouve ses esprits en demandant non pas où est le médecin le plus proche mais où est le resto le plus proche!
J'en rigole encore en écrivant ces lignes..

On arrive finalement à la ville de Daporidjo.
J'assiste à une autre chute. Une moto venant du sens opposé se retrouve à la verticale, projetant son jeune pilote sans casque, atterrissant à 5 m de moi dans un nuage poussière.
Inconscient, quelques villageois le secouent fortement pour le réveiller!
Sur le chemin, nous avons la chance de rencontrer Victor. Indien de confession de foi baptiste, il s'occupe de la circuit-house de la ville et nous invite donc à y passer la nuit.
Les circuit-houses sont des chambres d'hôtes pour les fonctionnaires du gouvernement.

Victor est avide de la connaissance du monde. Pour lui nous sommes donc l'occasion d'avoir un autre point de vue.
Il donnera à Mauro un antibiotique sous forme de poudre afin que cicatrisent ses plaies. Dû à l'humidité ambiante, il est difficile pour la peau de sécher, Victor nous prévient que les infections se développent rapidement ici.

Juste le temps de souffler, de bien dormir et on repart le lendemain. Un petit détour par le magasin de vélo du coin et par chance on y trouve des patins de frein! Le patron du magasin est tellement content d'avoir enfin de vrai vélos à son petit atelier qu'il ne peut s'empêcher de mettre un petit coup huile (de vidange) sur nos chaînes! Cadeau!



Bizarreries ou magies de la nature, nous passons d'une jungle épaisse aux Alpes de hautes Provence!
Nous grimpons à travers  pins et sapins, les odeurs nous rappelle notre bonne vieille Europe!
Et nous voilà sur le fameux plateau-vallée de la ville de Ziro.
Ce sont des centaines de rizières qui s'ouvrent devant nous, le tout contenu par de hautes montagnes pleines de sapins.
L' endroit est magnifique.

Quelques jeunes nous interpellent, quelques mots échangés.
Je trouve leur anglais assez bon et leur demande donc où ils apprennent l'anglais. À l'école! Laquelle? DonBosco!
Nous voilà donc en recherche de l'école catholique pour y demander l'hospitalité.

Sur le chemin, nous rencontrons justement une professeure de cette école. Elle appelle le directeur pour le prévenir, nous sommes les bienvenus.
Au même moment, des femmes assez âgées ayant terminé le travail dans les rizières s'approchent de nous.
Elles ont le visage tatoué. Ancienne tradition.
Pour éviter de se faire voler leur femme par d'autres tribus, la tribu de Ziro, les apatanis, ont tatoué le visage de leurs femmes par différents motifs et ajouté quelques piercings.


Après un dédale de rizières et de sapins nous atteignons l'école. Comme d'habitude, nous recevons une hospitalité incroyable.
Le directeur est un fan du philosophe René Girard, ainsi en découle une discussion intéressante puis tout s'arrête.
Car ce soir, c'est match de cricket. Installés devant la télé, on nous explique les règles du jeu, afin de comprendre la véritable religion de l'inde.
Avant de se coucher, le directeur nous propose d'expliquer notre voyage devant les écoliers demain matin au moment de la messe!
Par politesse, nous acceptons.

Mauro et moi affrontons une petite église remplie exclusivement  de jeunes filles de l'internat de l'école.
On se lance dans une improvisation totale sous l’œil du Christ. Ça rigole bien. C'est joli une église qui rigole.
Le directeur est content de notre petite intervention et finalement nous aussi. De pouvoir expliquer notre voyage et de voir l'émerveillement des gamins est une expérience enrichissante. On en ressort 'illuminé'! Haha!

Une petite grimpette à travers les sapins et nous revoilà dans la jungle.
Le gouvernement indien a lancé l'élargissement de la route, un chantier de titan.
Les habitats de quelques villages traversés ne sont faits que de tôles rouillées, constamment bricolées.
La nuit arrive et on ne trouve rien où dormir.
On tombe à la dernière lueur du jour sur un camp de travailleurs du chantier de la route.
On leur demande si on peut poser la tente à côté de leur cabane.
Ça prend un bon moment avant d'avoir le feu vert. En fait, ils essayaient de trouver une meilleure solution car pour eux ce n'était pas de bonne condition pour recevoir des étrangers.
Il est toujours difficile de faire comprendre aux indiens que nous n'avons pas besoin de grand chose pour dormir.
Ils s'imaginent toujours que nous demandons chambres avec salle de bain!
Le superviseur, jeune et parlant un bon anglais, nous invite au camp.
Une cabane sert de dortoir, une tente sert de cuisine.
On installe la notre sous le regard halluciné des gars de chantier. On parle matos du coup, matelas, sac de couchage...

Tout le monde est bien sympa. Le thé est servi par la femme du cuisinier.
Celui-ci se trouve sous la grande tente où nous installons.
Une grosse bûche brûle, le cuisinier étale les chapatis (galette de farine de blé), première cuisson sur une tôle puis un coup de chaud sur la braise pour les faire gonfler.
Dans une grande marmite, un curry de poulet est prêt.
Le cuisinier, tout sympa, nous prend d'affectation, et nous invite à manger copieusement. Un vrai régal.
Le chantier va durer 15 bonnes années. A chaque mousson celui-ci est interrompu. Les gars viennent pour l'ensemble de Calcutta. Ils ont l'air content, pour l'Inde, les conditions de travail sont correctes.



Le lendemain, nous les croiserons, tout fiers de nous présenter les machines qu'ils pilotent, pelleteuses, rouleaux compresseur.. aujourd'hui c'est jour de repos c-à-d que l'on s'occupe de la maintenance de ces mastodontes.
Chacun nous souhaite tout le courage du monde pour la suite du voyage.
Qui devient moins palpitant puisque nous roulons maintenant sur un vaste chantier d'autoroute. On apprécie la géologie de la région, des montagnes sont littéralement coupées en deux.

Dans un village, nous demandons si nous pouvons dormir à l'église que nous apercevons en haut d'une butte.
L'anglais des quelques jeunes n'est pas très bon, on ne comprend pas grand chose.
Ils nous conduisent à une maison.
C'est la maison du pasteur. Il n'est pas là mais son fils nous accueille.
Sa soeur nous libère sa chambre aussitôt. Ils refusent que l'on plante la tente.
Nous prenons le repas dans la cuisine, hutte traditionnelle en bambou sur pilotis. À l'intérieur, comme à l'habitude, un feu de braise est posé sur une grande dalle en pierre.
On se débarbouille les mains et la figure avec de l'eau provenant d'un grand fût bleu en plastique estampillé ' BASF accelaretor'... je repense aux documentaires que j'ai pu voir au sujet de population atteinte de maladies obscures car elles entreposaient l'eau dans...des fûts recyclés de produits chimiques!

Bref, quelques morceaux de porc grillent, le sac plastique qui les contenait partira lui aussi en fumée, ajoutant un peu d'arôme à la viande. Les chapattis gonflent sur la braise.
Ses soeurs et sa mère préparent le repas.
D'autres enfants sont là aussi. Ils s'amusent en faisant des photos avec l'appareil de Mauro.
On nous regarde manger, tout surpris et content de voir que l'on apprécie cette nourriture.
Ils veulent nous resservir, nous refusons. Car on sait que la quantité de riz qui a été cuit est la même chaque soir. D'abord les invités puis le reste sera partagé entre les membres de la famille. Nous ne voulons pas abuser de ce rituel de l'hospitalité de cette région. Les enfants nous expliquent qu'ils aiment aller à l'école, être à l'internat , les conditions sont très bonnes et un grand nombre d'activités permet de se divertir.
Parce que dans le village..y a pas grand chose..

Pour le lendemain, le fils nous accompagne, car il connaît un raccourci pour rejoindre la ville de Sagalee. Le chemin est coupé par un énorme glissement de terrain mais à vélo on peut passer.
En effet, une partie de la montagne a englouti le chemin, une pelleteuse a frayé un sentier. Après quelques bonnes sueurs, on passe le glissement de terrain. On partage un paquet de biscuit puis on se sépare. Un peu de tristesse se dégage de ce jeune indien, je sens que lui aussi aurait bien aimé continuer l'aventure..

Sur le chemin, nous rencontrons une famille, mère et enfants, paniers tressés accrochés au dos. Ils reviennent de la cueillette, quelques mots échangés, tout sourire de nous voir sur nos vélos.

Nous atteignons la route goudronnée. Une autre vallée, une autre tribu.
Cette dernière est connu pour son chapeau que porte les hommes. Composé de longues plumes et d'un bec d'oiseau,le fameux hornbill? Aujourd'hui une réplique en bois le compose, le hornbill étant une espèce protégée maintenant.
Tradition que l'on ne voit seulement lors de grands festivals.
Sauf que ça ne fait pas deux minutes que nous sommes installés à la table d'une gargote à siroter un thé qu'un vieil homme bien habillé et paré de ce fameux chapeau s'installera à nos côtés!
Impressionant, nous voilà en plein milieu d'une double page du national geographic!
Le plus drôle est qu'il se montrera très curieux et intéressé par mon casque de vélo!! Je repense à une scène d'un film où une bouteille de coca-cola tombe dans un village perdu en Afrique... même genre d'étonnement. Il me fait savoir que mon casque est très beau. On est fashion aussi dans la tribu des cyclistes.

Cette vallée, la dernière avant de rejoindre la route pour Tawang est assez austère. Isolée par son accessibilité et sa faible importance, elle a façonné des caractères forts et rudes aux tribus qui la peuple. En gros, le dicton pourrait être " pas honnête, on te coupe la tête".

La ville de Sagalee n'est pas en très bon état.
À l'école catholique, une bonne sœur nous reçoit, nous offre le thé car elle savait que nous arrivions! Quoi? Comment ça?
Un article dans le presse local mentionnait que deux cyclistes traversaient l'Arunachal Pradesh!! Étonnement général!

Le directeur arrive, nous reçoit. Nous passerons peu de temps avec lui. Il part dans l'état de l'Assam pour faire quelques emplettes pour l'école. Le voyage en jeep prend trois jours au total! Alors pas question de se louper.

La route qui mène à la ville de Seppa se rétrécit, elle se détériore, jonchée de nids de poule. La progression est lente, nos freins achetés récemment sont déjà dans un sale état.

Dans un petit hameau, perché sur le flanc de la vallée, un homme nous invitera chez lui pour passer la nuit. Sa famille possède un moulin à farine alors c'est un défilé de femmes apportant leurs céréales pour les moudre.
Dans la cuisine, une jeune fille s'occupe des tâches ménagères. Elle a la peau beaucoup plus mate, elle vient probablement de l'état voisin , l'Assam.
Les frères des différentes écoles catholiques nous avaient informés que certaines familles achètent des enfants pour s'occuper de la maison. On ne sait pas si c'est le cas ici.

Au petit déjeuner, on nous sert du riz, des légumes et une sorte de hachis de petits poisons de rivière très épicé. C'est de la dynamite!!











Il est 9 h du matin quand je me relève couvert de boue. En franchisant un nid de poule de la taille de la route, ma roue avant se plante dans la boue. J'essaye de récupérer mon équilibre en posant mon pied droit mais c'est encore plus profond. Ce n'est pas un nid de poule mais une mare!
Je me retrouve complètement immergé dans l'eau.
Mauro est plié en deux de rire. Je ne peux rien n'y faire alors je rigole aussi.
Sauf que l'appareil-photo de Mauro ne rigole pas. Je le portais avec moi, il a bu la tasse, il est mort. Amen.

Au fond de la vallée, nous recroisons quelques hommes rencontrés dans la hameau ce matin.
Ça rigole, ça cause. Un homme tout droit sorti de la jungle, machette à la taille, sera étonné de la couleur blanche de ma peau, par deux fois, il soulèvera mon maillot!! Grand éclat de rire, l'homme n'en revient pas.

Nous voilà à la ville de Seppa. Petit attroupement dans la rue, mini conférence..
Du coup, on nous indique l'endroit où il est bon d'aller manger et le magasin de vélo.
Puis on file à l'école catholique. Les frères se sont absentés mais les bonnes soeurs nous accueillent avec joie.
On boit le thé en attendant le retour du directeur.

Pour la première fois, on nous demande notre passé religieux et quels catholiques nous sommes. Assis devant l'école pour garçons, le directeur et les autres frères nous posent des questions "techniques" et nous écoutent avec attention.
Cela n'a pas encore été décidé si nous pouvons dormir ici, la nuit est déjà tombée, ce qui joue en notre faveur, mais bon, on ne sait jamais.
Mauro utilisant son mutlipass " italien" s'en sortira très bien.
Je dois avouer que j'ai un peu bricolé un passé religieux à ma famille..un petit péché..

Finalement, nous sommes accueillis avec grand plaisir.
Au moment du repas, dans la salle à manger, les frères arriveront en chantant une sorte de bienvenue puis nous donnerons une fleur d'hortensias!
Avec Mauro, Je crois bien que l'on a gardé en tête le refrain de la chanson jusqu'à Katmandou!

On nous apprendra que les tribus aux alentours sont très rudes. Une anecdote sur une famille nous laissera sans voix.
Un père de famille déçu par l'attitude d'un de ses fils, l'attacha à un poteau puis le fusilla..
On apprend aussi qu'une tribu est esclave d'une autre tribu.
Ainsi chaque famille possède une autre famille en esclave et cela au fil des générations.
Et certains missionnaires ont eu " chaud" par moment..la machette ne passant pas très loin.

Le lendemain, les bonnes sœurs nous offrirons un demi-régime de bananes provenant de leur verger.

Après quelques bivouacs dans la jungle et une deuxième chute pour ma part, un bout bambou attrapa ma sacoche avant ( battant le record du monde du triple saut, à un chouïa de me briser l'avant bras)  nous atteignons la route qui nous emmènera à Tawang.

Il nous reste qu'une poignée de jours sur les permis, quasiment plus de freins, roues de vélo défoncées, la traversée d'Est en Ouest de l'Arunachal Pradesh aura été une sacrée épreuve.
Mais il nous en reste encore une, d'épreuve.
Pour atteindre la ville de Tawang, il faut passer le fameux col de Sela à 4100m..

A plus
Ça roule.

PS : pas beaucoup de photos à cause d'une multitude de problèmes techniques...




















2 commentaires:

  1. bonjour
    ça roule tjs
    nous Danielle et moi on descend modestement la vallée du Danube de Bâle à Passau
    à plus

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